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Nouvelles technologies génomiques (NTG) et modifications ciblées du génome chez l'animal (Edition génomique)

Nouvelles biotechnologies (NGT) : Enjeux réglementaires et souveraineté agro-alimentaire par Catherine Regnault Roger. Institut Sapiens.

L'institut Sapiens vient de publier un article de la Professeure Catherine Regnault Roger.

https://www.institutsapiens.fr/observatoire/nouvelles-biotechnologies-ngt-enjeux-reglementaires-et-souverainete-agroalimentaire/ (téléchargemùent de l'article en haut et à droite du document auquel vous accédez par le lien)

Celui-ci complète et met à jour les informations publiées au printemps 2022 dans son livre "Enjeux Biotechnologiques : Des OGM à l'Edition du Génome". (Presse des Mines, Paris, 2022),  https://doi.org/10.3406/bavf.2022.71002 .

L’auteure décrit dans cet article l’évolution de la démarche en cours, au sein des instances Bruxelloises notamment suite à la consultation publique de la Commission de l’Union Européenne à l’été 2022. Elle rappelle le champ de l’actuelle initiative stratégique de la Commission ciblée sur le végétal, excluant ainsi les organismes qui n’appartiennent pas au règne végétal, c’est-à-dire les micro-organismes et les animaux.

 A cet égard, l’auteure prend nettement position en faveur de l’extension de la révision de la réglementation européenne sur les NGT pour les animaux d’élevage en accord avec la position assumée de l’Académie Vétérinaire de France.

Malgré la controverse sociétale en Europe, l’auteure persiste à affirmer et démontrer que les NGT constituent un atout incontournable pour faire face aux divers enjeux de la production agricole et ici en termes de souveraineté alimentaire, particulièrement d’actualité en cette période.

M Thibier, membre AVF et AAF , le 29 octobre 2022

Actualités en matière de nouvelles techniques d'édition génomique appliquées à nos animaux, le 17 février 2022

Edition Génomique

Les nouvelles techniques génomiques dont l’Edition Génomique permettent d'induire des modifications ciblées dans le génome des animaux domestiques. Leurs applications potentielles nécessitent un investissement soutenu de recherches, malencontreusement rendues quasi impossibles dans l’Union Européenne en raison d’une réglementation obsolète.

L’édition génomique permet d’effectuer des modifications génétiques ciblées dans tout type de cellule, grâce à des ciseaux moléculaires spécifiques. Disponibles depuis les années 80, ces outils ont gagné en efficacité et en spécificité au cours du temps. En 2012, l’avènement du système CRISPR-Cas9, caractérisé par sa très grande simplicité et son coût modeste, a révolutionné cette approche : l’édition génomique a désormais gagné tous les domaines de la science et de la médecine. (https://www.inserm.fr/dossier/edition-genomique/).

Les applications chez les animaux sont d’ores et déjà nombreuses et concernent de nombreuses espèces animales, aquatiques, domestiques, rongeurs et primates ou encore crapauds buffles et insectes (Parisi, C. and Rodriguez Cerezo, E., Current and future market applications of new genomic techniques, EUR 30589 EN, Publications Office of the European Union, Luxembourg, 2021, ISBN 978-92-76-30206-3 (online), doi :10.2760/02472 (online), JRC123830.

Ces investigations laissent entrevoir un avenir prometteur et un très large champ d'applications pour ces techniques, un avenir que la profession vétérinaire ne peut ignorer car il n'a d'autres limites que celles de l'imagination d'une part et celles de l'éthique relative au bien-être animal d'autre part.

 

Un document réalisé par un groupe de travail de l'AVF coordonné par M. Jean-Louis Guénet présente, de manière didactique et simplifiée, l’essentiel des données de base qui permettent de comprendre le principe de ces techniques et d'en apprécier le potentiel. Il a pour but de stimuler une réflexion objective de la part des membres d'un groupe de travail mis en place par l'Académie Vétérinaire de France et sera éventuellement suivi d'un avis sur le sujet.

Ce document a abouti à un avis de de l'Académie Vétérinaire de France (20 Juin 2019) qui recommande :

  • que les projets de recherches faisant usage des technologies modernes d’ingénierie du génome soient encouragés à tous niveaux et financés de façon adéquate sous peine d’entraîner un retard préjudiciable.
  • qu'une législation communautaire adaptée au cas des animaux domestiques génétiquement modifiés voie rapidement le jour afin d'établir un cadre réglementaire qui soit fonction du type de modification génétique et prenne en compte l'évolution rapide de la technologie en ce domaine, de manière à favoriser l'innovation. Cette législation devra tenir compte du fait que la plupart des recherches visant à produire des animaux dont le génome a été l'objet de modifications ciblées n’ont d’intérêt que dans la mesure où elles confèrent effectivement un avantage sanitaire, économique ou de bien-être animal appréciable.
  • que les projets relatifs à la production ou l'importation d'animaux domestiques dont le génome aura été modifié par réécriture de certains segments d’ADN soient examinés au cas par cas, par les instances compétentes, et qu’ils fassent l’objet d’un avis scientifiquement fondé, prenant aussi en compte une analyse du degré d’acceptabilité par la société.

 

Plus de deux ans après cet avis de l’AVF, en 2022 où en est l’évolution du dossier « Edition Génomique et animal ? »

Recherche et Développement

Les travaux de recherche se sont multipliés ces dernières années portant notamment sur la possibilité de générer des animaux insensibles à des agents pathogènes. L’exemple de porcs nés insensibles au virus de la SDRP (Syndrome Dysgénésique et Respiratoire Porcin) est particulièrement illustratif (Whitworth et al., 2016, Nat.Biotech.34, 20-22). Le sujet d’inquiétude majeure est que cette recherche est essentiellement conduite en dehors de l’Union Européenne car les contraintes issues de la Directive de 2011 inhibent ou empêchent toute activité de recherche et de développement. L’essentiel de la recherche (et des brevets afférents) est conduit aux Etats Unis, en Amérique du Sud, en Chine et maintenant au Royaume Uni risquant ainsi de faire perdre à l’Europe toute autonomie de progrès en matière de lutte et de prévention des maladies animales, y compris dans celles de nature épizootique voire zoonotique notamment et ainsi limiter voire annuler tout commerce international à terme ainsi que certains responsables de l’Elevage national commencent à le réaliser.

Réglementation
Est rapportée ci-dessous la succession d’éléments relative à la discussion réglementaire des derniers 18 mois (Octobre 2020 – Février 2022) et les initiatives de l’AVF sur ce sujet.

1. La publication remarquée de l’Union Européenne des Académies d’Agriculture (www.ueaa.info) le 5 Novembre 2021 d’un « Position Paper » dont le titre est (traduction de l’anglais) : « Edition Génique et nouvelle réglementation Européenne nécessaire de toute urgence » indique en résumé que : « l’ UEAA (Union européenne des académies d’agriculture) affirme que la directive 2001/18/CE est devenue inadaptée en raison des progrès des connaissances scientifiques et des progrès techniques récents tels que l’édition du génome et exhorte donc la gouvernance de l’UE à revoir et à adapter la réglementation européenne sur les OGM aux progrès scientifiques récents ».

2. Une lettre du Président de l’Académie Vétérinaire de France, Jean-Pierre Jégou,  est adressée à la Madame la Présidente de la Commission Ursula Van der Leyen le 12 Février 2021 dont l’objet est :
Une nécessaire prise en considération du potentiel de l’Edition Génique chez les animaux de production (mammifères) en matière de prophylaxie des grandes maladies infectieuses panzootiques. La conclusion du courrier est la suivante :

Cette lettre concrétise la position de l’Académie d’orienter en priorité la recherche en matière d’Edition Génomique sur cet axe des maladies animales infectieuses et épizootiques ce qui serait d’autant plus le bienvenu qu’il se situe dans un contexte de pandémie de Covid,
« L’Académie Vétérinaire de France exhorte l’Union Européenne à établir de nouvelles règles Pour donner aux institutions publiques et aux entreprises européennes les outils d’une innovation nécessaire afin de permettre des recherches sur l’Edition Génique sur les animaux de production. Ces recherches contribueront à réduire l’impact sanitaire et économique potentiel des agents pathogènes à l’origine de panzooties de maladies animales éventuellement zoonotiques, dévastatrices ».

La réponse à ce courrier de la part de la Commissaire Stella Kyriakides Commissaire de l’ Union Européenne en charge de la Santé et de la sécurité sanitaire des aliments (DG Santé), est adressée au Président le 21 Avril 2021 (soit 8 jours avant la publication de la Commission , voir ci-dessous). Elle précise en particulier la publication incessante de l’ UE sur le sujet et conclue en ces mots très « politiques « I would encourage you to continue to actively contribute to the discussion on the future of biotechnology in the European Union and provide your views on how innovative techniques can be safely used to address current societal challenges. »

3. Le Président Jean- Pierre Jégou est interviewé le 23 Avril 2021 par l’European Scientist. L’article publié à cette occasion traite de ce sujet et confirme la priorité à accorder aux recherches en matière d’Edition Génomique portant sur les maladies animales.
Télécharger l'article

4. L’étude attendue de la Commission, préparée à la demande du Conseil Européen, est publiée le 29 avril 2021. Elle est intitulée :

Study on the status of new genomic techniques under Union law and in light of the Court of Justice ruling in Case C-528/16.
Dans un courrier joint à la publication de cette étude et adressé par le Vice-Président de la Commission, Maris Sefcovic au Ministre des Affaires Etrangères du Portugal (alors Président de l’UE), il est indiqué la phrase suivante (très décevante) :

“For other NGTs or for applications in animals and microorganisms, the necessary scientific knowledge is still limited or lacking, especially on safety aspects.”
Note : cette position en retrait traduit le paradoxe suivant : Il faut faire de la recherche mais l’Europe ne le peut pas avec les règlements actuellement en vigueur et non prévus d’être modifiés dans le futur proche !!!

Un projet de communiqué de l’AVF en date du 8 Mai 2021, malheureusement non publié – en faisait une analyse pertinente dont voici quelques extraits ci-dessous :
L’Académie Vétérinaire de France se félicite des deux avancées de la Commission : (1) la reconnaissance de la nécessité de faire évoluer les règles en vigueur de façon à s’adapter aux progrès scientifiques et techniques et de permettre notamment le recours ultérieur à ces N T G là où approprié et 2) l’affirmation que le recours aux NTG, démarche de recherche et d’innovation, a le « potentiel de contribuer aux systèmes agro-alimentaires durables en ligne avec les objectifs du Pacte Vert Européen et la stratégie de la Fourche à la Fourchette ».

En revanche, si les intentions de la Commission se présentent plutôt sur un jour favorable concernant les NGT pour les plantes, l’Académie Vétérinaire de France déplore l’absence de toute proposition immédiate sur la partie animale de production et en particulier dans le contexte d’une prophylaxie des maladies infectieuses enzootiques ou panzootiques. L’Académie Vétérinaire de France souhaite que la réflexion approfondie de la Commission Européenne vis-à-vis des plantes puisse s’élargir aux animaux de production, et permette à la recherche Européenne, et notamment Française, de s’investir rapidement dans ce volet animal, puis dans la mise en œuvre de telles N T G dans un but de prophylaxie des redoutables enzooties ou panzooties d’agents pathogènes. De telles recherches européennes permettraient de répondre de façon éthique à des problèmes de santé animale qui pourraient s’avérer majeurs sur le plan de la Santé humaine (zoonoses), du Bien Être animal, des charges financières, de l’environnement et de la biodiversité.

L’Union Européenne des Académies d’Agriculture (UEAA) publiait le 4 Mai 2021 (www.ueaa.info ) également un communiqué de Presse suivant la publication de l’ Etude de la Commission allant dans le même sens : (titre traduit de l’anglais ) « La Commission européenne reconnaît que les produits des nouvelles technologies génomiques sont conformes aux objectifs du Pacte vert européen ».Ce communiqué déplorait également le statu quo annoncé concernant l’Edition génomique des animaux ».

5. Un article de L’Express du 10 Juin 2021 du journaliste Sébastien Julian est publié. Il s’intitule « Comment rendre les animaux moins sensibles aux épidémies ». Cet article rapporte les interviews sur le sujet de trois confrères Académiciens, Michel Thibier, Xavier Montagutelli et Jean-Pierre Jégou.

6. L’Union Européenne des Académies d’Agriculture (UEAA) a publié le 3 Janvier 2022 (traduit de l’anglais) : « Recommandations de l’UEAA pour un cadre réglementaire européen concernant la recherche et le développement en matière d’édition génomique pour les plantes cultivées et les animaux d’élevage ».
Lien vers l'article

L’UEAA exhorte la Commission à revoir et à adapter le règlement européen dans son projet actuel et à tenir compte à la fois de la production végétale et de la production d’animaux d’élevage, en particulier dans le contexte des maladies animales panzootiques dévastatrices, afin de faciliter la recherche critique dans l’Union européenne sur l’édition de gènes. L’UEAA a élaboré quelques recommandations ci-dessous et les a adressées au commissaire européen en charge de la santé et de la sécurité alimentaire ».

Cette initiative Européenne est la première du genre à rédiger une proposition de réglementation très concrète concernant l’Edition Génomique chez les animaux selon les modifications induites sur le génome.

 

Billet de Michel Thibier

En conclusion, ces démarches concernant l’Edition Génomique chez les animaux ont eu le mérite d’alerter précisément la Commission sur la nécessité de la recherche sur les nouvelles techniques chez les animaux, notamment en prioritarisant la cible des maladies animales en proposant des contraintes réglementaires simplifiées. Les contacts récents à ce jour avec les bureaux de Bruxelles laissent à penser que la situation va évoluer pour les Plantes en 2023, mais pas pour l’animal. Seul un mouvement fort de nature politique pourrait changer cette donne. Ceci est peu probable dans un futur proche. C’est une raison de plus pour continuer à sensibiliser les différents responsables sur ces problèmes. La sensibilité de certains responsables de l’Elevage commence à prendre conscience d’un risque d’être exclu du commerce international si les concurrents étrangers à l’UE proposent sur le marché des animaux vivants insensibles à certains agents pathogènes ou édités génétiquement pour d’autres objectifs ou même sur les produits de consommation.

PS : Ce billet n’engage que la position de l’auteur.

Les nouvelles techniques permettant d'induire des modifications ciblées dans le génome des animaux domestiques et leurs applications potentielles - Juin 2019

Le génie génétique constitue un outil puissant pour modifier les pro­ductions agricoles et agroalimentaires en produisant les organismes génétiquement modifiés (OGM). Son champ d'application est actuelle­ment beaucoup plus large et plus avancé pour le règne végétal que pour le règne animal.

La transgenèse végétale permet d'accroître la producti­vité des espèces cultivées en améliorant leurs performances agrono­miques, de diminuer la pollution environnementale grâce à la suppression ou l'allégement des traitements par des substance chimiques (herbicides, pesticides, fongicides...) et, enfin, de susciter la production de molécules à forte valeur ajoutée comme les médicaments. La transgenèse végétale peut ainsi jouer un rôle très important dans les domaines de l'alimenta­tion, de l'environnement et de la santé. Au plan alimentaire, les modifica­tions ainsi obtenues sont aussi bien qualitatives que quantitatives et per­mettent d'envisager un abaissement du coût de production par l'amélioration du rendement.

Chez l'animal, le champ d'application est actuellement beaucoup plus réduit. Il a, jusqu'à présent, essentiellement concerné les problèmes de santé par la mise au point d'animaux modèles pour l'étude de maladies humaines, la préparation d'organes animaux pour la transplantation à l'espèce humaine et la pré­paration de protéines recombinantes à effet bénéfique pour la santé.

Certaines techniques récemment développées par les généticiens permettent maintenant de produire, pratiquement à volonté, des modifications ciblées dans le génome des animaux domestiques. Tout comme les techniques classiques de transgénèse, ces techniques conduisent à la production d'organismes génétiquement modifiés (OGM), mais elles sont par nature très différentes de ces dernières et doivent plutôt être considérées comme procédant d'une véritable "ré-écriture" de certaines parties du génome1. Des expériences faites sur des animaux de laboratoire (souris, rats, etc.) et des animaux de rente (porcs, bovins, ovins, etc.) laissent entrevoir un avenir prometteur et un très large champ d'applications pour ces techniques, un avenir que la profession vétérinaire ne peut ignorer car il n'a d'autres limites que celles de l'imagination d'une part et celles de l'éthique relative au bien-être animal d'autre part.

Un document réalisé par un groupe de travail de l'AVF coordonné par M. Jean-Louis Guénet présente, de manière didactique et simplifiée, l’essentiel des données de base qui permettent de comprendre le principe de ces techniques et d'en apprécier le potentiel. Il a pour but de stimuler une réflexion objective de la part des membres d'un groupe de travail mis en place par l'Académie Vétérinaire de France et sera éventuellement suivi d'un avis sur le sujet.

Ce document a aboutis à un avis de de l'Académie Vétérinaire de France qui recommande

- que les projets de recherches faisant usage des technologies modernes d’ingénierie du génome soient encouragés à tous niveaux et financés de façon adéquate sous peine d’entraîner un retard préjudiciable. 

- qu'une législation communautaire adaptée au cas des animaux domestiques génétiquement modifiés voie rapidement le jour afin d'établir un cadre réglementaire qui soit fonction du type de modification génétique et prenne en compte l'évolution rapide de la technologie en ce domaine, de manière à favoriser l'innovation. Cette législation devra tenir compte du fait que la plupart des recherches visant à produire des animaux dont le génome a été l'objet de modifications ciblées n’ont d’intérêt que dans la mesure où elles confèrent effectivement un avantage économique, sanitaire, ou de bien-être animal appréciable.

- que les projets relatifs à la production ou l'importation d'animaux domestiques dont le génome aura été modifié par réécriture de certains segments d’ADN soient examinés au cas par cas, par les instances compétentes, et qu’ils fassent l’objet d’un avis scientifiquement fondé, prenant aussi en compte une analyse du degré d’acceptabilité par la société.